- BERTILLON (LES)
- BERTILLON (LES)BERTILLON LESNé à Paris, Alphonse Bertillon appartient à une famille prestigieuse. Son père, Louis-Adolphe (1821-1883), ami de Michelet, proche du mouvement socialiste (en juin 1848, il prodigue ses soins aux blessés des barricades), était un médecin renommé, mais aussi un spécialiste des sciences humaines et surtout de la démographie, travaillant sur les traces d’un des fondateurs de cette discipline, le grand démographe belge Quételet. Membre de la Société de statistique et de la Société d’anthropologie, professeur de démographie à l’École d’anthropologie et directeur du Service de statistiques de la Ville de Paris, Louis-Adolphe Bertillon doit sa notoriété non seulement à ses fonctions, mais aussi aux études qu’il a publiées, entre autres Les Mouvements de la population dans les divers États d’Europe et notamment en France .Le frère aîné d’Alphonse, Jacques (1851-1922), développa la tradition dont son père était l’un des pionniers et donna à la science naissante de la statistique un cadre théorique plus adéquat et de nombreuses monographies. Ce sont ses travaux sur le phénomène de la dépopulation (Le Problème de la dépopulation , 1897; La Dépopulation en France , 1911) qui établirent sa réputation. Comme son père, auquel il succéda en 1883 à la direction des Bureaux de statistiques de Paris, il obtint pendant sa vie de nombreuses distinctions et fut chargé d’importantes responsabilités: rédacteur en chef des Annales de démographie internationale (1882), président de la Société de statistique de Paris (1897), il contribua aussi à l’organisation de l’Institut international de la statistique et à la fondation du Collège libre des sciences sociales.Alphonse Bertillon lui-même, au début de sa vie, montrait fort peu d’intérêt pour les études, au point que son père se vit contraint de l’envoyer en Écosse, où il fut précepteur. Mais à son retour en France, où il devint employé de la préfecture de police de Paris, il élabora (1879) de façon empirique une méthode destinée à organiser rationnellement le classement des détenus, en se fondant sur leurs caractéristiques en matière de constitution osseuse.Si cette innovation fut d’abord fort mal accueillie par les supérieurs hiérarchiques de Bertillon, qui le traitèrent de «fou furieux», elle ne tarda pas à être prise en considération par le nouveau préfet de police (Camescasse), qui lui permit de la tester sur une période de trois mois. Cet essai ayant permis de prouver son efficacité, le système d’Alphonse Bertillon, appelé «bertillonnage», devait être adopté et mis en pratique par les services de la préfecture, puis rapidement se diffuser à l’étranger; dès 1888, par exemple, les États-Unis s’y rallièrent.Alphonse Bertillon s’attacha dès lors à améliorer son procédé, en enrichissant les bases sur lesquelles il l’avait mis au point. C’est ainsi qu’il décida de recenser, en dehors des mensurations osseuses, les signes particuliers des individus arrêtés. Il s’intéressa également à toutes les ressources ouvertes par l’introduction des clichés photographiques et, en l’appliquant à l’objet de sa recherche, il dégagea le principe de la photographie métrique. Il collabora aussi à l’invention de la méthode d’identification par le relevé des empreintes digitales en préparant des combinaisons de produits chimiques permettant de les retrouver sur des surfaces lisses, au cours des enquêtes policières. Il a exposé les principaux éléments de ses investigations dans une œuvre synthétique, L’Anthropologie métrique (1909).Les travaux d’Alphonse Bertillon le conduisirent à participer à l’actualité judiciaire de son époque — il identifia le fameux anarchiste Ravachol; mais il eut un échec dramatique, qui devait lui valoir une solide hostilité d’une partie de l’opinion publique: nommé expert au procès du capitaine Alfred Dreyfus, après l’examen du fameux «bordereau» annonçant l’envoi de documents militaires secrets, il déclara, dans ses conclusions, que l’auteur en était bien Dreyfus, ce qui établissait la culpabilité de ce dernier; Bertillon ne devait jamais se rétracter.
Encyclopédie Universelle. 2012.